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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes,2.djvu/10

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et me l’apporta d’un air obséquieux. Je présentai ce verre à Sa Seigneurie, qui but le tiers à peu près de son contenu, et me le remit ensuite pour que j’en busse autant. Don Pedro, chargé d’épuiser la liqueur, s’empressa de briser le verre, afin que d’autres lèvres ne le touchassent plus ; flatterie délicate, que le préfet accueillit par un salut, et moi par un sourire.

Cette liqueur bue en commun et au même verre constituait métaphoriquement un échange de sympathies ; elle donnait à notre connaissance de fraîche date tout l’abandon et la franchise d’une vieille amitié. J’en profitai pour demander au préfet une vingtaine d’hommes, que je comptais emmener avec moi, non pour donner à mon voyage un caractère officiel, mais pour imposer, par ce surcroît de forces, aux tribus insoumises que je ne pouvais manquer de trouver en chemin. Le préfet approuva fort cette mesure ; seulement elle lui parut inexécutable, les soldats que je demandais pour m’accompagner, et qu’il m’eût donnés de grand cœur, me dit-il, étant pour la plupart des indigènes de la Sierra, que le nom seul de chuncho[1] faisait trembler de peur. Il y

  1. On désigne au Pérou par les noms espagnols de Gentiles, Infieles, Barbaros, ou par le nom quechua de Chunchos, équivalant à celui de sauvages, tous les Peaux Rouges qui vivent à l’état de nature dans les forêt, situées à l’est de la chaîne des Andes. M. Alcide d’Orbigny, dans la relation historique de son voyage, et M. Claude Oay, dans ses lettres à M. Delessert, publiées