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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes,2.djvu/9

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Quand j’eus terminé, le nouveau préfet haussa les épaules et prit la parole à son tour. Suivant lui, le gouvernement péruvien n’avait jamais fermé les vallées de son territoire aux promeneurs ou aux savants, désireux de les visiter, et toute allégation tendant à prouver le contraire était un infâme mensonge. Si le général Ugarte s’était prévalu de ce prétexte pour m’en interdire l’entrée, c’est que le général, ayant mangé son patrimoine, dissipé la dot de sa femme et contracté des dettes qu’il ne pouvait payer, avait imaginé de se créer des ressources en faisant exploiter, non pas en son nom, la chose eût fait scandale, mais pour son propre compte et sous le nom d’autrui, les lavaderos et les quinquinas de Carabaya. De là sa répugnance à y laisser pénétrer les curieux, dont les indiscrétions eussent pu compromettre le succès de sa spéculation.

« Mais si J’ai bien compris, dis-je au préfet de Cuzco, lorsqu’il m’eut donné ces détails, rien ne s’oppose alors à mon voyage ?…

— Oh ! mon Dieu non, fit-il ; vous êtes libre de partir à l’instant même ; à pied, à cheval ou à mule, avec ou sans passeport, comme vous l’entendrez ! »

Dans la joie que me causa cet exeat inattendu, peu s’en fallut que je ne sautasse au cou du haut fonctionnaire ; mais je me contentai de faire un signe à don Pedro, qui, devinant mon intention, alla prendre un verre, l’emplit d’une liqueur quelconque,