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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes,2.djvu/18

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une portée de fusil du village de Huaro. Cette rivière, large de deux cents mètres et d’une rapidité de cours torrentielle, pendant les mois d’août et de septembre, époque de la fonte des neiges dans la sierra, n’était en ce moment qu’un joli ruisseau roulant sur des cailloux polis. Nous le franchîmes d’une enjambée, et, parvenus sur l’autre rive, nous nous trouvâmes au pied d’une montagne de schiste ardoisé, dont nous commençâmes à gravir les versants abruptes. Pendant trois heures que dura cette ascension, chacun de nous put observer à loisir l’abaissement continu de la température et la raréfaction progressive de l’air, phénomènes naturels, qui provoquèrent chez les uns des frissons et des crampes, chez les autres des saignements de nez, des maux de cœur et des vertiges. À huit heures, nos mules enjambaient la dernière marche de ce gigantesque escalier, et nous déposaient au seuil de la région des punas.

Aucun chemin n’était tracé sur ces vastes plateaux ; mais nos muletiers paraissaient s’en inquiéter peu. Après avoir embrassé l’horizon d’un regard circulaire, ils s’étaient dirigés à l’est-sud-est et se maintenaient sans broncher dans cette direction, pareils à des limiers qui suivent une piste. Nous marchâmes ainsi pendant une bonne partie de la matinée, puis le besoin d’une réfection s’étant fait sentir, chacun tira de ses sacoches quelques provisions et se mit à manger avec un appétit que décuplait l’air vif de ces