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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes,2.djvu/8

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duisit sur-le-champ dans la salle à manger, où je trouvai nombreuse compagnie ; mais ce qui me surprit plus agréablement que le choix des convives, la variété des mets et l’excellence des vins, ce fut d’avoir pour voisin de face, le successeur du général Ugarte, le nouveau préfet de Cuzco, auquel notre amphitryon eut l’idée de me présenter, quand, à l’issue du repas, où n’avait cessé de régner une gaieté franche, on eut cassé le pied des verres, afin que les buveurs ne pussent plus les poser sur la table.

L’accueil de Sa Seigneurie fut des plus bienveillants. Encouragé par ses façons, qu’une pointe de vin rendait irrésistibles, j’entrepris de lui raconter mes pérégrinations continentales, qu’il ne connaissait qu’imparfaitement. Je ne lui cachai pas mon ancien projet de voyage à San-Gaban, l’ouverture que j’en avais faite au général Ugarte, et la réponse saugrenue par laquelle ce fonctionnaire avait renversé tous mes plans. Durant cette seconde partie de mon récit, que le préfet écouta avec plus d’intérêt encore que la première, don Pedro, debout près de moi, comme le joueur de flûte de Caïus Gracchus, mais n’ayant pas comme celui-ci la ressource d’un instrument à vent, m’avait rappelé par un coup de coude au ton véritable, chaque fois qu’au souvenir du général Ugarte et du libéralisme de son gouvernement, le dépit me faisait dépasser les bornes.