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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/100

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table carrée et de deux bancs en bois scellés à demeure dans la pièce d’entrée, d’un fouet accroché au-dessus de la porte, d’une malle sans couvercle, et de bouteilles vides, oubliées probablement par le précédent locataire.

Quelque délabré que puisse paraître ce domaine, il avait néanmoins son personnel de serfs attachés à la glèbe, que je vis accourir le soir même de mon arrivée. À peine mes bagages étaient-ils déposés sous la varanda, que trois petits Indiens de huit à dix ans, entraient accompagnés de deux molosses d’une maigreur phénoménale. Pendant que les premiers me saluaient au nom de la Virgen purissima, en m’appelant leur père et en me baisant la main, selon l’usage du pays, les seconds me flairaient, pour s’assurer par mon odeur de mon rang et de ma dignité, et suffisamment renseignés par cet examen olfactif, faisaient acte de soumission en me posant leurs pattes crottées sur les épaules.

Une chola entre deux âges, que j’avais arrêtée à l’avance pour me servir de cuisinière, parut sur ces entrefaites et vint prendre mes ordres. Je lui montrai la manne aux provisions en la priant de me préparer à souper. Le premier soin de la femme, après avoir vérifié la nature des victuailles dont je m’étais pourvu, fut de décrocher le fouet, d’en appliquer lestement quelques coups aux molosses, en leur donnant pour raison de cet acte arbitraire