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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/101

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qu’une varanda n’était pas un chenil, et de distribuer sa tâche à chacun des enfants, qu’elle connaissait par leurs noms, et sur l’esprit desquels elle paraissait avoir une certaine influence, à en juger par l’activité remarquable que ceux-ci déployèrent sur-le-champ. Pendant que l’un courait à la source voisine pour y puiser de l’eau, l’autre allumait du feu à quelques pas de la demeure, avec la fiente sèche et les bûchettes que lui passait son camarade. De son côté, la cuisinière allait, venait, tranchait, dépeçait avec un empressement grave et digne, qui me donna de sa personne et de son talent culinaire une très-haute idée.

À huit heures précises, mon couvert était mis dans la varanda, un chupé fumant placé sur la table, et les trois bambins, Mathias, Mariano et Manuco, debout en face de moi, les bras croisés sur la poitrine, les yeux fixés en terre, attitude respectueuse que leur avait fait prendre Antuca[1], la cuisinière, habituée, à ce qu’il me parut, au style et aux traditions des maisons nobles du pays. Celle-ci, tout en s’occupant des préparatifs de mon coucher, venait de temps en temps s’assurer par un coup d’œil que nos jeunes conscrits étaient toujours au port d’armes, la tête droite, les épaules bien effacées, les pieds sur une même ligne et dans une immobilité

  1. Diminutif quechua d’Antoinette.