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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/133

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ches et s’allait promener par la ville, sous prétexte d’étudier l’architecture des maisons, nous laissant, Torcola et moi, assis côte à côte, sous le plancher du théâtre, et fort occupés de la manœuvre des acteurs et de la conduite du drame.

« Cette assiduité de tous les soirs près de la fille du titiretero, jointe au peu de clarté qui régnait sous la scène, ne tarda pas à porter le trouble dans mes idées. Souvent je sentais le sang me monter à la tête, ma langue se coller à mon palais, et, oubliant complétement la situation, je me taisais quand il aurait fallu parler, ou je donnais à Torcola des répliques intempestives, qui provoquaient le rire des spectateurs et nous attiraient des huées. La malicieuse fille me pinçait alors jusqu’au sang, en me disant : « Tamal, tu ne seras jamais qu’un imbécile ! » Quand, au contraire, j’avais donné à une tirade la chaleur et l’entraînement qu’exigeait la situation, Torcola me tapotait légèrement la joue, comme pour me témoiguer sa satisfaction. « Je finirai par faire quelque chose de toi, » me dit-elle un soir après une déclaration d’amour que je venais d’adresser à la sultane Alfandega, pour le compte d’un jeune Maure dont je dirigeais la pantomime. Quand le rideau fut baissé, Torcola se rapprocha si près de moi, que je sentis son haleine sur mon visage. Vous dire ce qu’alors J’éprouvai, serait chose impossible ; ce fut comme une flamme rouge qui