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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/142

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instruit des particularités de son passé. Il se fût bien gardé de faire une pareille confidence à un habitant du pays ; tout en formulant cet aveu, si flatteur pour mon amour-propre, il jetait d’obliques regards sur son verre, en ayant l’air de regretter de ne rien voir dedans. Ces regards, que je surpris au passage, étaient doués d’une telle éloquence, que, moitié par égard pour les infortunes du narrateur, moitié par reconnaissance pour la franchise qu’il m’avait témoignée, je lui eusse offert de vider une autre bouteille, si, par malheur, celle qu’il avait bue n’eût été la dernière qui me restât. Mon hôte attendit un moment que je m’exécutasse ; mais voyant que je ne faisais aucune allusion au liquide qu’il convoitait, il prit le parti de quitter la table, sous prétexte que midi s’approchait et qu’il avait à sonner l’Angelus. Je l’accompagnai jusqu’au bout du sentier, craignant que Lechuza et Gavilan, dépités d’avoir perdu la partie qu’ils avaient engagée avec lui, ne l’attendissent au passage afin de prendre une revanche ; mais les deux mâtins se contentèrent d’aboyer à distance.

Au moment de se séparer de moi et après m’avoir remercié, sur tous les tons, du bon accueil que je lui avais fait, José Tamal me regarda d’un air embarrassé, et parut avoir quelque chose à me communiquer. Je roulai aussitôt une cigarette pour lui donner le temps de préparer sa phrase.