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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/146

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chacune à côté d’elle un fallot allumé, dormaient, disaient leur chapelet, ou chantaient des cantiques en attendant l’ouverture des portes. Quelques loustics, — il s’en trouve partout, — circulaient parmi cette troupe pieuse, et profitant du sommeil des vierges imprudentes qui avaient laissé éteindre leur lampe quand il aurait fallu veiller, s’empressaient de coudre la tunique de la dormeuse à quelque tunique voisine, de placer sur son front une couronne obsidionale, ou de coiffer son chef d’un turban dérisoire, irrévérence qu’encourageait la folle hilarité des assistants.

De l’endroit où j’étais placé et qui dominait le sol d’une hauteur de trois ou quatre mètres, mes regards, plongeant dans la place, embrassaient trois de ses côtés, décorés de bannes de toile, pittoresquement soutenues par des pieux, et sous lesquelles des marchands de comestibles et de boissons, vêtus de blanc et les manches de leur chemise relevées jusqu’aux coudes, s’efforçaient d’éveiller la convoitise des passants, par l’éloge emphatique des vivres qu’ils mettaient en vente. À les entendre, le pain sortait du four, la salade venait d’être cueillie, la vache beuglait encore à l’état d’aloyau, le mouton bêlait sous la forme de côtelettes, et les poissons, s’ennuyant de rester dans la friture, allaient regagner leur ruisseau natal, pour peu qu’on tardât à les acheter. Autour de ces bazars gastronomiques,