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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/148

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spectacle des banquiers ambulants, promenant leur roulette aux quatre coins de la place, celui des Tarucas, jeunes drôles affublés d’une peau de chevreuil, du Chucchu ou fièvre tierce, personnifiée par un vieillard chenu, tremblant de tous ses membres, et des Chuchumecas, robustes gaillards déguisés en femmes et ameutant la foule par leurs lazzis, on aura dans toute sa teneur le programme des réjouissances qu’offrait ce soir-là la place du village.

Les ruelles tortueuses débouchant sur la place et éclairées à giorno au moyen de torches résineuses, offraient une succession d’épisodes à faire tomber en syncope tous les membres d’un comité de tempérance. Des buveurs des deux sexes, vraies sangsues gorgées de chicha et d’eau-de-vie de Pisco, s’y traînaient pesamment le long des murailles, cherchant dans les aspérités de ces dernières un point d’appui pour recouvrer leur équilibre. Quelques-uns, fraternellement enlacés, essayaient de passer d’une rue à l’autre, ainsi qu’on traverse un torrent rapide en faisant la chaîne, mais l’impraticabilité de ce moyen était aussitôt démontrée par la chute d’un compagnon, qui, en s’affaissant, entraînait avec lui le reste de la bande. Ces incidents, en ouvrant momentanément une échappée dans la foule, permettaient au regard d’atteindre jusqu’au fond des chicherias, où danseurs et musiciens s’agitaient