Aller au contenu

Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pêle-mêle à la clarté des suifs collés contre les murs. Des verres à chicha, près desquels les coupes de l’Iliade eussent semblé des dés à coudre, pleins jusqu’au bord d’une cervoise nouvellement brassée, circulaient à la ronde, éperonnant, pour ainsi dire, l’ivresse générale. Vus à distance et dans la pénombre rougeâtre, qui prêtait à leurs contours je ne sais quoi de fantastique, danseurs et musiciens avec leurs visages bistrés et ruisselants de sueur, leur chevelure flottante et leur mimique forcenée, rappelaient ces démons de MM. Scribe et Meyerbeer « qui se livrent entr’eux à d’horribles ébats. »

Pendant que je m’absorbais à loisir dans la contemplation de ce spectacle, je sentis qu’on me tirait par la basque de mon habit ; je me retournai brusquement dans l’idée qu’un audacieux loustic cherchait à s’amuser à mes dépens, mais au lieu du visage rond et juvénile que je m’attendais à voir, ce fut la face longue et blême de José Tamal que j’aperçus derrière moi. Le chapeau bosselé du sonneur de cloches, son air effaré et ses vêtements en désordre, témoignaient d’une longue et pénible excursion accomplie à travers la foule.

« Dieu soit loué ! s’écria-t-il avec un soupir de satisfaction, voilà plus d’une heure que je tourne autour de la place sans vous apercevoir, et je commençais à craindre que vous n’eussiez changé d’idée.