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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/160

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elles, qui s’était éclipsée, reparut munie d’une bouteille et d’un verre à liqueur. « Seigneur Français, me dit-elle d’une voix flûtée, tout bon chrétien, et vous paraissez l’être, ne se contente pas de faire acte d’adoration devant un nacimiento, mais goûte au moins une fois à l’urine de l’enfant Jésus[1] ; et comme je la regardais d’un air étonné, elle emplit le verre d’un liquide blanchâtre, qu’à son odeur je reconnus aussitôt pour du tafia anisé, et me le présenta d’un air souriant après y avoir préalablement trempé ses lèvres. La seule manière de répondre à une politesse aussi flatteuse, était d’épuiser la liqueur jusqu’à la dernière goutte, et c’est ce que je réussis à faire, mais en m’y prenant à plusieurs fois, car l’urine en question me déchirait la gorge et me brûlait les entrailles. La même formalité fut observée à l’égard de toutes les personnes présentes, et quand vint le tour de José Tamal, soit qu’il eût une dévotion particulière à l’enfant Jésus, soit qu’il appréciât mieux que moi les charmes de cette liqueur, je remarquai qu’il en but deux verres.

Un instant après, nous reparaissions tous les deux

  1. Tomar la orina del niño Jesus. C’est la formule habituelle dont on se sert dans toute l’Amérique espagnole, soit dans les couvents des deux sexes, soit dans les maisons nobles ou bourgeoises, soit enfin dans les chaumières des Indiens, pour offrir des rafraîchissements aux visiteurs des nacimientos, pendant les huit jours que dure l’exposition de ces derniers.