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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/166

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place autour du lutrin, modeste table recouverte d’un naperon, et sur laquelle aucun missel n’était ouvert, par la raison péremptoire qu’aucun des chantres ne savait lire, José Tamal saisissait la manivelle de l’orgue et se mettait à jouer le galop final de l’opéra de Gustave III, accompagné rinforzando par les cafetières et les crécelles.

Si mon premier mouvement fut de fuir, mon second fut de me rapprocher, afin de bien me rendre compte de l’emploi et des qualités du son des instruments nouveaux que J’avais sous les yeux. Au diapason élevé des cafetières, je compris sans peine qu’elles remplissaient, dans la partition, l’office des soprani ; quant à la manière d’en jouer, elle consistait, de la part de l’exécutant, à emboucher le tube de fer-blanc à l’instar d’une trompette, et à souffler de toute la force de ses poumons ; la cafetière était à moitié pleine d’eau ; l’eau, refoulée par l’air extérieur, crépitait, bouillonnait, sifflait en fouettant les parois du vase, et chantait à peu près à une octave au-dessus de la symphonie[1]. De l’examen des cafetières je passai incontinent à l’analyse des crécelles ; mais malgré une audition des plus attentives, malgré la tension soutenue de toutes les forces de mon

  1. Ces cafetières, connues sous le nom de pajarillo (petit oiseau), à cause du gazouillement qu’elles font entendre, sont en honneur dans toutes les églises et les couvents de l’Amérique du Sud, où chacun a pu les entendre comme nous.