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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/177

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appelé cochayuyu[1], tantôt elles entraient dans la mer jusqu’aux aisselles, pour y déterrer, à l’aide de leurs talons, les pétoncles et les palourdes enfouis dans le sable. Une fois le mollusque exhumé, elles plongeaient, le ramassaient et le rejetaient sur la plage. Quand le parage abondait en coquilles, les deux naïades basanées se démenaient avec tant de vivacité, qu’un passant les eût crues piquées par quelque tarentule. Leur pêche achevée, elles sortaient de l’élément liquide, se secouaient comme des caniches, et, pendant que l’une recueillait les bivalves épars sur la rive, l’autre confectionnait des fagots de ce bois flotté, tribut que les forêts du Chili et de l’Araucanie payent à l’Océan sous forme de grands arbres, et que celui-ci rejette en esquilles sur les sables du littoral. Alors le foyer s’allumait, les mollusques étaient jetés dans la marmite avec addition convenable d’eau de mer, de piment et d’herbes odorantes, puis, après dix minutes de cuisson, on me servait une écuellée de ce court-bouillon, qui m’occasionnait régulièrement d’horribles tranchées.

Malgré toute la bonne volonté de mes serviteurs et leur instinct merveilleux combiné avec mes propres lumières, il arrivait parfois que le site où nous nous trouvions, n’offrait ni fucus ni marée, et que nous en étions réduits à humer l’air salin au mo-

  1. Littéralement  : douceur du lac. C’est le fucus antarcticus, appelé aussi durvilea utilis.