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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/185

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jambes. Pour surcroît d’infortune, nous étions entourés de petits monticules assez semblables à des taupinières, et du sommet desquels le vent détachait comme une gaze de poussière qui nous enveloppait de la tête aux pieds. Quelquefois, une douzaine de ces mêmes monticules s’arrachaient de leur base, et, se réunissant, formaient autour de nous une ronde désordonnée. Ces entonnoirs mobiles, que les riverains appellent camanchacas, étaient de véritables trombes qui, non contentes de nous couvrir de cendres, menaçaient à chaque instant de nous asphyxier[1].

Je dis nous, par égard pour moi-même et pour les pauvres mules chargées du poids de nos individus, car le mozo semblait aussi à l’aise dans cette atmosphère poudreuse et enflammée, qu’une salamandre dans son brasier natal. En quittant la plage de Mejia, il avait entonné un de ces yaravis de la Sierra, où la tourterelle et le papillon symbolisent l’amour fidèle et la passion volage ; et, soit que le yaravi dont il avait fait choix eût autant de coplas

  1. Ces trombes sont souvent chargées d’exhalaisons azotées, que les gens du pays attribuent à la décomposition de ces immenses bancs de clupes que l’Océan rejette deux ou trois fois par an sur ses rivages. Les oiseaux marins, pélicans, fous, frégates, etc., surpris dans leur vol par une de ces trombes méphytiques, tombent comme foudroyés sur les plages, où maintes fois, dans un étroit espace, j’ai compté plusieurs centaines de leurs cadavres.