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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/19

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— Trente petites lieues. »

Santiago me regarda comme pour me demander ce que je comptais faire.

« Puisque le curé est absent, priez-la de vous enseigner la maison de l’alcade, car nous ne pouvons, par le froid qu’il fait, passer la nuit en plein air. »

L’Indienne en m’entendant se mit à rire.

« L’alcade a suivi le curé, dit-elle, et les Indiens ont suivi l’alcade. Tous sont allés travailler au nouveau bolson, qu’on a rencontré dans la mine ; il n’est pas resté un seul homme dans le village, et je ne pense pas que les femmes veuillent vous recevoir… Voyez pourtant chez Huarmi-Juana… Comme celle-là n’a ni mari à craindre, ni réputation à perdre…

— Seriez-vous assez bonne pour nous indiquer sa demeure ? dis-je à la femme.

— La gouvernante du curé n’est pas une Alcahuèta, » me répondit-elle sèchement, en me jetant sa porte sur le nez et l’assujettissant en dedans au moyen d’une barre.

Je restai tout étourdi de l’apostrophe.

Santiago, jurant en vrai muletier qu’il était, parlait déjà de forcer le logis et de tancer l’Indienne de son impertinence, quand je le priai de me suivre ; le mozo obéit à contre-cœur. Son orgueil de Costeño se révoltait à l’idée d’endurer l’insulte d’une vile Serrana.