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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/190

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certifier, c’est qu’ils avaient l’air assez misérable. Plusieurs d’entre eux possédaient néanmoins une guitare ; mais, dans la position tout exceptionnelle de ces pauvres diables, cet instrument me parut destiné à tromper leur faim plutôt qu’à charmer leurs loisirs.

Le soleil allait disparaître, lorsque nous doublâmes la pointe de l’arênal pour entrer dans le val de Tambo. La soirée était admirable, et la nuit s’annonçant sous de riants auspices, mon guide n’eût pas été fâché d’en profiter pour allonger l’étape, si j’en juge par l’amplification pompeuse qu’il me faisait d’un voyage nocturne. Mais je l’interrompis au beau milieu de ses périodes, pour le prier de me conduire chez le général Recuerdo, un ami sous le toit duquel j’étais sûr de trouver bon accueil et bon souper sans préjudice d’une chambre bien close. Malgré tout le déplaisir que cette décision parut causer au mozo, il prit le chemin de l’hacienda, où nous arrivâmes à la nuit close.

Je trouvai le général fumant en famille sous sa véranda. Sa noble épouse et ses cinq filles étaient groupées autour de lui et savouraient à son exemple un pur tabac de Bracamoras. Après les compliments d’usage, le général m’offrait déjà sa propre pipe, illustrée par de longs services, quand la plus jeune de ses filles, appelée Majestad, retira vivement de sa bouche le puro qu’elle dégustait et me pria de