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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/191

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l’achever pour l’amour d’elle. Je m’inclinai profondément devant cette attention gracieuse, qui valut à Majesté un sourire d’approbation de ses parents et quelques railleries de ses sœurs aînées.

Pendant que je fêtais de mon mieux le bout de cigare offert par la beauté, causant de métaphysique avec ces dames et discutant avec le général sur la hausse probable des cotons et des sucres, les cris aigus d’une volaille, qui s’élevèrent dans le silence de la basse-cour, m’apprirent qu’on s’occupait de mon souper. En effet, une demi-heure ne s’était pas écoulée, qu’on m’invitait à passer dans le comedor, où je trouvais mon couvert mis et la victime accommodée en fricassée. J’avoue, à ma honte, que je n’en laissai que les os.

Au poulet succéda une boîte de manjar blanco, identique, quant au format, à une meule de fromage de Gruyère, et qu’on plaça devant moi, en m’engageant à ne pas l’épargner. Comme je m’extasiais sur la mine appétissante de ce blanc-manger, composé de viande, d’amandes concassées, de lait, de miel et de muscade, Mme la générale daigna m’apprendre qu’elle l’avait préparé elle-même, d’après une recette qu’elle tenait des nonnes de Sainte-Rose d’Aréquipa. Cette pâte, solide et bien épicée, faisait honneur aux saintes filles qui l’avaient inventée. Malheureusement, le miel de la grâce y dominait de telle sorte, que mon œsophage se con-