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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/21

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étoile, par un froid de quelque vingt degrés, étouffait en moi toute espèce de scrupule.

Quand Santiago eut examiné l’intérieur du rancho, il se tourna vers l’Indienne, que nos façons étranges ne laissaient pas que d’inquiéter un peu.

« Juana, lui dit-il, pendant que je vais desseller mes mules et les mettre dans ton corral, car tu dois avoir un corral, tu allumeras du feu ; sur ce feu tu placeras une olla pleine d’eau, puis, tandis que cette eau chauffera, tu débarrasseras un côté de ta chambre, que tu balayeras si c’est nécessaire, afin que le Huéracocha<ref>C’est le nom donné autrefois par les Indiens du Pérou aux conquérants espagnols, qu’ils croyaient sortis de la mer, ainsi que leurs vaisseaux. Huera, dans l’idiome quechua, signifie écume, et cocha ou atun cocha, le grand lac. Cette expression, détournée de son sens primitif, est aujourd’hui un titre de noblesse équivalant au caballero de la langue espagnole./ref> que j’accompagne puisse s’y installer pour passer la nuit. Va, ma fille, et ne perds pas de temps à me répondre. »

L’Indienne nous regarda tour à tour d’un air ébahi. Elle ne comprenait pas qu’on vînt la réveiller pour l’obliger à allumer du feu et à balayer sa hutte. Bien décidé à laisser les choses suivre leur cours, tant qu’elles ne s’écarteraient pas de la ligne d’une civilité puérile et honnête, j’étais allé m’asseoir sur une pierre qui tenait lieu de chaise et m’occupais à dévisser mes éperons. La femme cependant demeurait toujours plantée sur ses jambes.