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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/219

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sensiblement à gauche, et vers le milieu du jour nous longions le versant oriental du cône Misti. Bien que je me fusse promis d’allonger le cou au-dessus du cratère de cette montagne ignivome quand nous passerions à portée, il me fut impossible de réaliser ce projet, harcelé que j’étais par les supplications du guide, qui, à chaque halte qu’il m’arrivait de faire pour ramasser une pierre, cueillir une plante ou regarder un site, m’objectait, à l’instar d’Horace, que je perdais un temps irréparable.

Aux approches du soir, nous fîmes halte devant la poste de Huallata, humble bicoque située au sommet d’une montagne presque toujours entourée de nuages, particularité qu’explique très-bien l’isolement de cette cime détachée de la chaîne mère, et son élévation au-dessus de l’Océan qui est de douze mille deux cents pieds. Malgré le délabrement du logis et les crevasses de ses murailles, par lesquelles une bise glaciale arrivait jusqu’à nous avec des modulations de harpe éolienne, je réussis à dormir tout d’un somme, grâce à la sage précaution que j’avais eue, en arrivant, de faire allumer un grand feu d’excréments de lama au centre de la pièce ; car telle est la température bénigne qui règne à l’intérieur de ces sortes de bouges, qu’un gobelet plein d’eau placé à mon chevet et que j’oubliai de boire avant de m’endormir, passa, durant la nuit, de l’état liquide à l’état solide.