Au lever du soleil et par un froid atroce, nous abandonnâmes ce triste logis, et, laissant à notre gauche la route de Cuzco, nous nous aventurâmes dans la plaine des Dragées (pampa de los confites), ainsi nommée à cause de son sol recouvert de petits galets arrondis par le travail des eaux primitives. De cette plaine nous entrâmes dans une région granitique où la tristesse et le silence régnaient dans toute leur sauvage horreur. Longtemps j’interrogeai de l’œil la morne étendue, dans l’espoir d’y découvrir quelque indice de la présence de l’homme : mais ce fut en vain ; l’homme, rebuté par ce sol rigide sur lequel la semence tombait et se desséchait sans pouvoir germer, l’avait abandonné aux condors et aux vigognes, seuls êtres animés que j’aperçusse autour de moi.
Les heures se succédèrent sans que nous eussions fait la rencontre d’un visage humain. Ce jour-là, la page de mon album fût restée d’une entière blancheur si, vers midi, une pluie de grêlons qui faillit nous assommer, tant les projectiles étaient gros, ne m’eût inspiré quelques réflexions philosophiques que, faute de mieux, je m’empressai d’y consigner. Un peu avant la nuit, nous relevâmes, au pied de son coteau, la pascana d’Ayamarca. Comme au parc à moutons traditionnel se rattachaient deux ou trois chaumières, je pensai que nous pourrions bivouaquer dans l’une d’elles, et voyant que Pacheco se