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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/221

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disposait à passer outre, afin d’allonger l’étape de quelques lieues, je le priai de s’arrêter ; il obéit en grommelant.

Cette pascana, où je comptais renouveler mes provisions de bouche, était depuis longtemps veuve de troupeaux, ainsi que je l’appris en mettant pied à terre. Comme une attestation de sa splendeur passée, elle avait cru devoir conserver son ancien personnel de pasteurs, de femmes et d’enfants, qui s’élevait à onze individus, Je n’eus garde de demander à ces pauvres gens s’ils faisaient régulièrement deux repas par jour, tant je pressentis à leur mine la réponse qu’ils m’auraient faite. En me voyant bien décidé à passer la nuit sous leur toit, ils s’empressèrent de mettre à ma disposition la plus propre de leurs cahutes, celle où ils élevaient leurs couys ou cochons d’Inde, et m’y apportèrent une cruche d’eau et un peu de feu ; puis, dans la crainte que les rongeurs qui gambadaient dans cette pièce ne troublassent mon sommeil ou n’excitassent la convoitise du mozo, friand comme tous ses pareils de la chair de ces rats acaules, mes hôtes les jetèrent au fond d’un sac et les emportèrent chez eux, nous laissant, mon guide et moi, livrés à nos réflexions. Heureusement, Pacheco avait gardé dans ses sacoches quelques reliefs de l’agneau de la veille, dont nous soupâmes tant bien que mal. Au moment de m’endormir, je me rappelai avec stupeur que nos pau-