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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/236

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Cette proposition me parut si bien en harmonie avec la faim et la fatigue que je ressentais, que je pressai une seconde fois la main de l’honorable insulaire, comme pour le remercier de sacrifier momentanément son culte des morts aux besoins réels du vivant. Après avoir fermé la porte de la salle, il me conduisit dans un comedor où la nappe était mise, mais où je ne vis qu’un couvert, que mon hôte me montra de la main, pendant que le pongo avançait des siéges.

« Est-ce que vous ne dînerez pas avec moi ? lui demandai-je.

— Hélas ! me répondit-il, il y a bien longtemps que je ne dîne plus ; la douleur cuisante à laquelle je suis en proie, en exagérant chez moi le jeu de l’appareil nerveux et en entretenant dans une irritation constante la muqueuse de l’estomac, a fini par porter le trouble dans les fonctions digestives. Encore quelque temps, et la désorganisation sera complète ; la muqueuse s’épaissira, il y aura induration de la valvule du pylore, puis il s’y formera un squirre dont je mourrai probablement… »

Pendant que M. Reegle m’expliquait les prodromes et la marche du mal dont il se disait atteint, je mettais à profit la permission qu’il m’avait donnée de me servir moi-même d’un potage de bonne mine que l’Indien venait d’apporter ; et au bien-être intérieur que je ressentis après en avoir