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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/243

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La harangue que j’avais préparée était devenue inutile, et malgré le plaisir que j’aurais eu à la réciter à mon hôte, l’idée de recevoir quelque projectile à la tête, si je le réveillais pour la lui débiter, me fit un devoir du silence ; néanmoins, pour ne pas laisser à l’insulaire une mauvaise opinion du voyageur qu’il avait hébergé, je traçai sur une page de mon album une ligne de remercîment, suivie d’un mot d’adieu, puis, déchirant la feuille et la roulant à la façon des scytales, je l’introduisis adroitement dans une boutonnière du spencer de M. Reegle, afin que son premier regard tombât sur elle en s’éveillant. Ces soins pris, je n’eus plus qu’à donner un pourboire au pongo, que mon guide Pacheco, en vertu de l’axiome non bis in idem, avait prié de harnacher ses mules pendant qu’il fumait paisiblement une cigarette.

Le soleil levant nous surprit en route. Pendant toute cette matinée, nous cheminâmes par des sentiers affreux, dont les casse-cou étaient perfidement dissimulés sous une couche de neige tombée pendant la nuit. À midi, nous passions à gué le rio Cabanilas, à l’endroit où il s’unit à celui de Lampa, et, comme le village de Juliaca se trouvait à peu de distance, nous convînmes d’y faire halte pour déjeuner. Après force paroles échangées avec les habitants de cette localité, trois ou quatre réaux qu’il me fallut donner à titre d’arrhes, et quelques bour-