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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/246

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inexplicable, me fit observer que nous étions au 31 décembre, qu’il était déjà cinq heures de l’après-midi, et que neuf bonnes lieues nous séparaient encore de Puno. C’était me dire clairement que s’il perdait dix piastres sur la somme promise, ce serait par ma faute, et non par la sienne. Comme nous traversions en ce moment le hameau de Paucarcolla, je me contentai pour toute réponse de montrer au mozo les maisons de l’endroit hermétiquement closes, à l’exception d’une seule, devant laquelle une vieille Indienne en haillons filait un écheveau de laine de lama. La pauvre femme était aveugle et centenaire. Je lui demandai la raison de la solitude qui l’entourait ; elle me répondit que ses concitoyens étaient partis pour Puno, afin de prendre part aux fêtes qui s’y préparaient, et qu’en leur absence, elle s’était constituée gardienne officieuse de leurs demeures. En achevant, elle me demanda, au nom de Pachacamac, maître et protecteur de cet univers, un demi-réal pour s’acheter de l’eau-de-vie. L’objet de sa demande m’abasourdit un peu, mais, par respect pour le grand nom qu’elle venait d’invoquer, je me hâtai de délier les cordons de ma bourse, et déposai dans la main ridée de la pauvre aveugle l’obole qui plus tard, devait servir à l’enivrer.

Au sortir du hameau, mon premier soin fut d’activer l’allure de ma mule ; mais le trot cadencé qu’elle