Aller au contenu

Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon accoutrement, me produisait dans le salon de son ami, où des groupes épars devisaient joyeusement en choquant leurs verres. Le maître du logis, Indien gras et fleuri, type et costume quechuas des plus caractérisés, vint au-devant de nous, et, sans attendre que je le saluasse, m’offrit ingénument de trinquer avec lui. Cette formalité remplie, il me présenta à son épouse, grosse et grave matrone dont le sang serrano me parut pur de tout mélange ; en apprenant par son mari que nous venions de boire à nos santés respectives, la femme, pour me témoigner à son tour le cas qu’elle faisait de ma personne, emplit un verre d’eau-de-vie de pisco, en but préalablement la moitié, et me pria d’achever le reste ; pris au piége, je ne pus que m’exécuter. Comme je témoignais discrètement à M. Saunders mon étonnement de le trouver en pareille compagnie, il m’apprit d’une façon non moins discrète que les époux Matara, dont la couleur et les manières paraissaient me surprendre, étaient le parrain et la marraine de la goëlette qu’on devait mettre à l’eau le lendemain ; qu’à cette qualité, ils ajoutaient celle de propriétaires du bâtiment pour la moitié de sa valeur ; qu’ils possédaient, en outre, huit maisons de ville et cinq de campagne, un lavadero d’or, une mine de sel, deux mines d’argent, et donneraient probablement à leur fille unique, en la mariant, une dot d’un million de piastres (5 000 000 de francs).