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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/250

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Chapeton de France qui aura du plaisir à t’entendre chanter.

— Monsieur est bien bon, répliqua celle-ci, seulement je ne sais rien d’assez beau pour lui…

— Voyons, pas de bêtises, Anita, fit la mère, chante le yaravi du padre Lersundi. »

Mise en demeure d’obéir, Anita décrocha la guitare d’un air maussade et, pendant qu’elle l’accordait, je demandai à la dame Matara qui était ce padre Lersundi, dont le nom revivait dans un chant national.

« Un excomulgado ! fit la matrone, un homme qui, sans respect pour le saint habit qu’il portait, s’enamoura follement d’une jeune fille de sa paroisse. Celle-ci, étant venue à mourir, fut portée en terre ; mais le padre Lersundi avait donné le mot au fossoyeur, qui, la nuit suivante, retira le cercueil de la fosse et l’apporta secrètement chez le curé. Alors, celui-ci décloua la bière, en retira la morte, et, l’ayant assise dans un fauteuil entouré de cierges, se prosterna devant elle et se mit à lui adresser des propos d’amour, qu’il entremêlait de cris et de gémissements. Quand la défunte commença à tomber en pourriture, le padre, obligé de s’en séparer, lui creusa une sépulture dans sa propre demeure ; mais, avant de l’ensevelir, il détacha une des jambes du cadavre et fit de l’os une qqueyna à cinq trous. Pendant huit jours, le malheureux ne cessa de gémir et de souffler dans cette flûte, dont le son, m’a-t-on dit,