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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/258

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bations copieuses. À peine un curieux de l’un ou l’autre sexe tentait-il de franchir la haie pour jouir par anticipation des détails de la procession, qu’un coup d’assommoir sur la tête l’avertissait de son indiscrétion et l’obligeait à reprendre sa place. Ce mode de rappel à l’ordre avait quelque chose de net et de précis, que M. Saunders, en qualité d’Anglais, me parut goûter vivement.

À la suite des serenos, défila la corporation des fruitières, graves matrones, chargées pour la plupart d’un embonpoint notable, enrubannées de la tête aux pieds, et portant dans des corbeilles pavoisées, les dons de la Pomone américaine, à titre d’échantillons de leur commerce. Un groupe d’alcades et de gobernadores, la chevelure en queue de cheval, harnachés de rouge et de bleu et brandissant leur longue canne à pomme d’argent, marchaient sur les pas des commères.

Derrière eux, précédée par la croix et entourée de bannières et d’étendards qui flottaient au vent, parut sur un brancard d’argent que portaient seize Indiens en surplis, l’image vénérée de Nuestra-Señora de las Nieves. La Vierge, protectrice de ces régions glacées, était vêtue d’une robe à paniers, en velours ponceau, toute galonnée d’or et garnie d’astracan. Le bonnet fourré, brodé de perles et surmonté d’une aigrette, qu’elle portait enfoncé jusqu’aux yeux, faisait allusion au froid rigoureux qui