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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/259

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règne en tout temps dans ces parages. Un scapulaire pendait à la main gauche de la Vierge ; sa main droite élevait un pennon en soie blanche, sur lequel était peint un œil ouvert entouré de nuages. À l’aspect de cet œil, je pressentis quelque symbole, et, oubliant que mon voisin appartenait à la religion réformée, je lui en demandai tout bas la signification ; mais, en vrai parpaillot qu’il était, il se mit à ricaner grossièrement au lieu de me répondre. Je sus plus tard que l’ophthalmos peint sur la bannière de Notre-Dame représentait le ñahuidios, ou œil divin, destiné à conjurer le ñasupay, où mauvais œil, qui jette des sorts aux bergers des hauteurs et fait périr leurs moutons du claveau.

Autour du brancard de Notre-Dame des Neiges, se groupaient une vingtaine de béguines de San-Juan de Dios, vêtues de couleurs sombres, et la taille ceinte d’une bande de cuir. Ces vénérables dames, portant chacune une torche de cire, chantaient le Te Deum sur un air du pays, accompagnées par deux joueurs de guitare d’un âge mûr, qui leur donnaient le la et chantaient avec elles.

Derrière les béguines apparurent, conjugalement réunis par un ruban rose lamé d’argent, dont chacun d’eux tenait un bout, le parrain et la marraine de la goëlette. En nous apercevant à leur balcon, tous deux sourirent et nous firent un petit signe de tête, auquel je répondis par un salut. M. Matara