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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/265

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À ce moment, soit que l’impatience de la foule ne connût plus de bornes, soit que la situation morale et physique des survenants lui parût incompatible avec la nature du service qu’ils étaient appelés à rendre, on vit un flot de ces Indiens, dont les aïeux transportaient jadis, pour le bon plaisir des Incas, des blocs de granit du poids de 20 000 quintaux métriques, se ruer sur la goëlette, l’enlever de terre et la précipiter dans le lac, où le gracieux bâtiment, après avoir enfoncé son avant comme un goéland qui plonge, alla reparaître à quelques encablures de distance. Les cris frénétiques et les battements de mains des spectateurs saluèrent cette prouesse dont l’amour-propre national du curé, des vicaires et des professeurs fut vivement flatté, si j’en juge par les sourires et les paroles qu’ils échangèrent. Quant aux époux Matara, cédant à une émotion bien légitime, ils avaient lâché le ruban qu’ils tenaient et s’étaient jetés dans les bras l’un de l’autre. Acclamés par la multitude, ils furent reconduits en triomphe jusqu’à leur demeure, où M. Saunders et moi, nous les rejoignîmes quand l’enthousiasme populaire se fut un peu calmé.

Pendant la journée, les plages du Titicaca, couvertes d’indigènes, retentirent du son des guitares et du choc des cruchons. Le soir venu, on tira des pétards dans les rues ; le balcon Matara fut illuminé, et un bal offert par les époux aux notabilités de la