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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/293

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Le curé respira, comme si sa poitrine eût été débarrassée du poids d’une montagne. Son humeur, jusqu’alors indécise, prit un caractère d’enjouement et devint d’une gaieté folle, lorsque don Estevan lui eut appris qu’il quittait Coporaqué le lendemain pour n’y plus revenir. La gouvernante et le pongo parurent sur ces entrefaites et couvrirent la table d’un lambeau d’étoffe somptueuse qui me parut être un devant d’autel. Je présumai par ces apprêts, autant que par le sourire décent et les manières patelines de la serva padrona, qu’elle avait écouté notre conversation, et que, revenue ainsi que son maître sur le compte de l’ingénieur, que tous deux avaient pris pour un filou vulgaire, elle voulait faire oublier, par un excès de prévenance, le mouvement d’humeur dont nous avions été témoins.

Une salade d’œufs durs et d’oignons crus, destinée à servir de plat de résistance, fut placée au centre de la table avec quelques pains ronds apportés d’Oropesa par la dernière caravane. Deux variétés d’ajis, l’une de mouton sec, l’autre de poisson boucané, accompagnées d’une amphore de bière de maïs nouvellement brassée, complétèrent le côté solide de cette merienda ou collation, à laquelle don Estevan s’excusa de faire honneur, sous un prétexte de gastrite. Le curé fit apporter alors le second service, qui consistait en une infusion de feuilles de coca, une bouteille de tafia anisé, et quelques