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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/314

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fus d’un avis contraire ; les Indiens et les muletiers que je voyais errer au seuil de la maison comme des ombres faméliques m’avaient remué les entrailles, et, sans m’arrêter aux réflexions du colonel, qui trouvait ma philanthropie hors de saison, et prétendait, en outre, avoir seul le droit de donner des ordres, je priai notre hôte de mettre à ma disposition sa seconde chambre, où don Estevan, sur la menace que je lui fis de l’abandonner en chemin, me suivit bientôt d’assez méchante humeur. J’avoue qu’à la vue du bouge où nous devions passer la nuit, ma charité fut sur le point de défaillir, et peu s’en fallut que je ne reculasse ; mais l’idée que nos pauvres Indiens, sans gîte et sans feu, seraient condamnés à battre la semelle jusqu’au lever de l’aube, l’emporta heureusement sur les considérations de l’égoïsme, et, d’un front serein, j’assistai aux apprêts de notre coucher.

La pièce où nous devions dormir en compagnie d’Apolinario, car j’avais obtenu de don Estevan qu’il se relâchât un peu des rigueurs de la discipline en faveur de ce pauvre garçon, cette pièce servait aux maîtres du logis, d’office, de cellier, de grenier et de cave, comme l’attestaient des viandes boucanées suspendues aux solives, des provisions de toute sorte et des objets de toute forme, amoncelés dans un pittoresque désordre. Malgré toute la bonne volonté de notre hôte et son empressement à rejeter