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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/320

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lage. Naturellement, je sautai à bas de ma mule et j’allai arracher la plante, dans laquelle je reconnus aussitôt une papalisa, ou pomme de terre indigène. Cette découverte me surprit d’autant plus, que le sol de Cailloma n’est pas assez favorisé du ciel pour produire spontanément une solanée quelconque : d’où provenait donc la pomme de terre que j’avais sous les veux ? Un condor l’avait-il laissée choir du haut des nuages, un Indien l’avait-il jetée en passant ? Dans l’impossibilité de le décider par moi-même, j’appelai le guide, et, lui montrant la plante fatidique, je lui demandai quel ange ou quel diable en avait apporté la semence en ce lieu.

L’Indien la regarda à peine et me répondit :

« C’est tout ce qui reste aujourd’hui d’un homme de ta nation.

— Et tu l’appelles ?

— Joaquim Vilafro[1].

— Mais, dis-je, c’est le nom du lac ; ton homme en était donc le propriétaire ?

— Ce lac n’a jamais appartenu aux hommes, me répondit l’Indien ; les lacs, les serros et les neiges n’ont d’autre maître que Dieu. L’homme dont il s’a-

  1. Il va sans dire que nous ne partageons nullement l’opinion de notre guide à l’égard de cette solanée, dont il faisait remonter l’origine au seizième siècle, et que nous pensâmes, avec raison, dater de quelques années tout au plus, et provenir d’une halte faite en ce lieu par des muletiers ou des conducteurs de lamas.