mules, et cela avec assez de négligence pour que les fers se détachassent et restassent sur les chemins, où les pauvres les ramassaient. Si tu passes par Sicuani, en te rendant à Cuzco, les anciens de la ville te donneront sur Joaquim Vilafro des détails qu’en ma qualité de fils de Cailloma j’ai toujours ignorés. Le chapeton habitait Sicuani avec sa famille. Quant à la chingana que tu vois là, elle n’était pour lui qu’un almacen où il entassait ses richesses. Le minerai y était apporté de Quimsachata à dos de mules, et les horneros le fondaient sous ses yeux. Bien que Vilafro abandonnât au vice-roi le cinquième de son travail à titre de tribut, qu’il hantât les églises et fût dévot à la santissima Virgen, comme le prouve une lampe d’argent du poids de 300 marcs qu’il donna au curé de Sicuani, et que tu verras dans l’église, on l’accusa d’impiété, de fraude et de rébellion ; si sa fortune lui avait fait beaucoup d’amis, elle lui avait fait plus d’ennemis encore ; et comme ces derniers avaient de l’influence, ils s’en servirent pour le perdre. Appelé à Lima par ordre de l’inquisition et du vice-roi, il fut mis en prison, où on lui disloqua les membres, afin qu’il avouât ses crimes ; comme il n’avouait rien, on le pendit, et ses richesses furent confisquées au profit du roi d’Espagne. À partir de cette époque la mine de Quimsachata fut abandonnée par les ouvriers, car l’âme du supplicié revint chaque nuit visiter son ancien
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