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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/323

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domaine, et l’Indien a peur des esprits. Il est vrai qu’il méprise aussi les richesses.

« Telle est l’histoire de Vilafro, » ajouta le guide en dégageant sa main des plis de son poncho, et me la tendant d’un air humble, sans se rappeler ce qu’il achevait de me dire au sujet du désintéressement de ses pareils : mais, comme j’avais pavé sa dissertation sur l’Apurimac à raison d’un demi-réal, je ne crus pas devoir faire moins pour la biographie du pauvre chapeton ; toutefois, désirant compléter le renseignement, je demandai à l’individu, tandis que sa main se refermait comme une serre d’aigle sur ma seconde offrande, quel nom portait le lac avant que Joaquim Vilafro vînt camper sur ses bords.

« Huananacocha[1], » me répondit-il.

Don Estevan, qui avait écouté ce récit avec une impatience mal déguisée, saisit l’occasion de rompre en visière à l’indien à propos des prétendus canards patronymiques, qu’il cherchait, lui dit-il, depuis un moment sans les apercevoir ; mais, à cette observation ironique, l’homme répondit, avec un grand sérieux, que, le jour même de l’arrivée de Vilafro, les huananas, effrayés par la barbe de l’Espagnol, s’étaient cachés au fond du lac et n’avaient jamais reparu.

Comme la caverne offrait un abri convenable, et

  1. Cocha lac, huanana, canard. Le huanana est l’anas cristata des naturalistes.