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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/327

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presse d’envoyer avant la fin du jour, pour ses besoins personnels et ceux de son escorte, deux moutons gras, quelques viandes fumées, un assortiment de pommes de terre et une outre d’eau-de-vie, le tout, sans préjudice de couvertures de bayeta et de combustible, destinés à le défendre du froid pendant la durée du travail qu’il allait entreprendre pour la gloire et la prospérité des Caillomenos.

Une pareille demande, à laquelle les notables étaient loin de s’attendre, amoncela quelques nuages sur leur front ; mais don Estevan feignit de ne pas s’en apercevoir. Laissant ses auditeurs rêver au sens de ses paroles, il alla rejoindre leurs femmes, et, de l’air le plus galant qu’il put prendre, les invita à passer dans la caverne où nos malles et nos paquets, transformés en sofas, permirent à ces dames de savourer commodément les biscuits et le vin de Xérès que nous leur offrîmes. Cette attention valut au colonel une véritable ovation. Dans son enthousiasme reconnaissant, la gobernadora, matrone entre deux âges, l’appela « mon mignon, » tandis que l’alcada, plus jeune et partant moins osée que sa compagne, se contentait de lui dire : « compère. »

Comme les maris n’avaient point été invités à cette réunion, ils ne tardèrent point à trouver que leurs femmes riaient trop fort et demeuraient trop longtemps à l’écart ; sous prétexte que le trajet était long de Vilafro à cailloma, et qu’il ne fallait pas