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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/328

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abuser des bontés de Sa Seigneurie, ils vinrent engager ces dames à se remettre en selle et à reprendre le chemin du logis. Je remarquai que la physionomie des députés s’était encore assombrie, depuis que nous les avions laissés seuls, ce que j’attribuai aux réflexions qu’ils avaient échangées : par compensation, celle de leurs moitiés était si animée et les regards qu’elles nous adressèrent si expressifs, que je ne doutai pas un seul instant qu’elles ne missent tout en œuvre pour décider leurs époux et leurs frères à nous être propices.

Après force compliments entremêlés d’adieux et de saluts, la députation reprit le chemin de la ville. J’allai aussitôt m’assurer que mes instruments d’observation étaient encore valides, et, tranquillisé sur ce point important, je procédai à l’emménagement de mes effets, laissant mes compagnons s’arranger à leur guise. Pendant ce temps, les muletiers chargés des soins de la cuisine nous préparaient un chupé rustique, que don Estevan, Apolinario et moi, nous expédiâmes de fort bonne grâce. Malheureusement, notre faim apaisée, il restait du mets national une portion si faible que, désespérant de voir se renouveler le miracle de la multiplication des vivres, je me demandai avec stupeur ce qu’allaient devenir les dix-huit estomacs qui n’avaient que nous pour appui. Mes réflexions, que je communiquai tout bas au colonel, le firent sourire ; il me répondit que