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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/33

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cru de cette force ; puis, voyant que je souriais, il se prit à rire bruyamment.

« Silence ! pécheur endurci, lui cria le curé d’un ton de brusquerie amicale qui me donna à penser que la brebis galeuse de son troupeau n’en était pas la moins chérie. Voici un jeune seigneur qui vient de loin pour avoir des détails sur Tupac-Amaru ; peux-tu lui en donner ?

Ari, fit le sacristain, dont la physionomie, d’égrillarde qu’elle était, devint sérieuse et presque triste.

— Tu l’as donc connu ? demandai-je à l’Indien.

— En douterais tu ? me répondit-il d’une voix gutturale. Tupac-Amaru était l’ami de Huaman, que les pères Jésuites ont baptisé sous le nom de Symphorose. Bien des neiges sont tombées dans la Cordillère depuis cette époque, et ton père n’était pas encore né, quand j’aidai mon ami à brûler des chapetons[1] dans l’église de Sangarrara.

— Comment ! s’écria le pasteur, tu as eu la scélératesse de brûler des Espagnols dans une église, et tu oses encore t’en vanter devant moi ! Quand je vous disais que ce coquin avait le diable au corps, ajouta-t-il en me poussant du coude. »

Ma curiosité était vivement excitée par ce début, et je priai Symphorose de me raconter en détail

  1. C’est le nom familier par lequel les Indiens désignent les Espagnols de la péninsule.