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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/333

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cette heure de la béatitude éternelle, ne viendra probablement pas réclamer ? »

J’eusse volontiers répondu à mon compagnon que les tromperies d’autrui n’autorisaient en rien les nôtres, et qu’en fait de propriété, on devait laisser la sienne à chacun ; mais ne voulant pas troubler sa quiétude d’esprit, et surtout empoisonner par une réflexion amère la joie d’un triomphe qu’il se flattait d’obtenir, je lui laissai croire, en gardant le silence, que si je n’approuvais pas entièrement sa façon de penser, je n’y apportais non plus aucun empêchement. La soirée se passa en causeries intimes, entremêlées de verres de punch au thé de coca, puis nous nous endormîmes en remerciant de nouveau la Providence des biens qu’elle nous avait dispensés.

Le lendemain, j’eus l’idée de faire jeter la sonde dans le lac, et de reconnaître en même temps à quelle famille ichthyologique appartenaient les habitants de ses ondes glacées. Ce projet, que je communiquai aux arrieros, en offrant une prime de deux réaux à celui d’entre eux qui se sentirait assez aguerri contre le froid pour affronter un bain de jambes de quelques heures, ce projet, dis-je, fut accueilli avec transport. À la hâte on réunit une énorme botte de jarava, qui fut cerclée au moyen de soguas de laine et flotta bientôt comme une bouée ; des hameçons furent attachés à des fils et amorcés de viande