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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/339

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Le cacharpari, entrecoupé d’appels bruyants et d’accords mélodiques, dura deux bonnes heures, qui me permirent de faire de mon dessin, commencé à grands traits, un véritable chef-d’œuvre de pointillé ; puis écuyers et écuyères remontèrent à cheval, les hommes donnant le bras aux femmes et poussant des évohés bachiques auxquelles celles-ci ripostaient par des notes aiguës qui vibraient dans la clameur comme les sons du fifre dans un charivari de Nîmes. J’attendis prudemment que le dernier poncho eût disparu sur la colline, et quand le bruit des voix se fut graduellement affaibli, je m’élançai de ma cachette et me dirigeai en toute hâte vers notre bivac, afin de recueillir quelques détails sur le divertissement qui venait d’avoir lieu.

Comme j’arrivais, les arrieros étaient occupés à desseller les mules : les Indiens, qui les aidaient dans cette opération, entassaient sur le sol nos malles et nos paquets. Étonné de ces préparatifs, qui semblaient indiquer une halte au lieu d’un départ, je demandai à nos gens pourquoi ils n’exécutaient pas les ordres qu’ils avaient reçus le matin. Alors l’un d’eux, mozo quinquagénaire, me montra d’un air mélancolique le colonel assis à l’entrée de la caverne, et l’aide de camp étendu la face contre terre à quelques pas de lui.

« Ils ne tiennent pas debout, » me dit-il. Je courus à don Estevan et l’interpellai avec véhé-