Aller au contenu

Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mence ; mais je n’en pus tirer aucun éclaircissement : ses onomatopées intraduisibles, ses yeux bridés par les coins et sa bouche frangée d’écume, attestaient, en même temps qu’une disparition complète de l’intelligence, un irrésistible besoin de sommeil. Quant à Apolinario, il ne bougeait pas plus qu’un terme. Déjà frappé à mort dans une première escarmouche sous les murs de Cailloma, et sentant ses forces l’abandonner, il était venu rejoindre son maître et expirer à ses pieds, en brave et fidèle aide de camp qu’il était. J’ordonnai qu’on les déposât sur leurs matelas respectifs, et, tout en pestant contre les cacharparis et les habitants de Cailloma, je fis mettre une bouilloire sur le feu, et je passai une partie de la soirée à abreuver de thé de coca ces deux victimes des traditions antiques.

Le lendemain, le colonel et son aide de camp s’éveillèrent assez tard dans la matinée, ne gardant du cacharpari de la veille qu’un souvenir confus et une grande lassitude dans tous les membres. Le muletier chargé de la préparation du déjeuner, et qui, comme la Didon de Virgile, compatissait aux maux qu’il avait soufferts, assura don Estevan que le piment était un antidote souverain contre ces sortes de malaises, et, pour le mettre à même d’en juger, il nous servit un chupé de mouton, qui, pareil aux coursiers de Phœbus, jetait du feu par les naseaux. Ce mets abominable, auquel il me fut impossible de