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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/341

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goûter, et qui arracha à mes compagnons d’abondantes larmes, les remit en effet sur jambes. Un quart d’heure après, tous deux sautillaient comme des pinsons.

Nos apprêts de départ, commencés la veille et repris dès le point du jour, furent lestement terminés. Au moment de nous mettre en selle, les Indiens de Coporaqué, devenus inutiles, reçurent l’ordre de retourner dans leurs foyers. Si le colonel ne leur fit pas compter quelques réaux, comme une juste rémunération de leurs fatigues, en revanche il leur délivra de sa propre main un certificat de bonne conduite qui assurait pour un mois au moins l’inviolabilité de leur personne. Sans cette attention délicate de don Estevan, le fouet et la prison, que leur avait prophétisés le curé à l’issue de la messe, étaient infailliblement leur partage en rentrant chez eux. Aussi, pour témoigner au colonel toute la gratitude dont leurs cœurs étaient pénétrés, et que des paroles n’eussent pu traduire, vinrent-ils lui baiser la botte en l’appelant leur père.

Notre troupe, diminuée de plus de moitié, prit bientôt la direction de l’est, qu’elle suivit en longeant le lac de Vilafro jusqu’à l’endroit où il se change en rivière de Chita. Là, laissant la chaîne de Condoroma à notre gauche et la chaîne de Vilcanota à notre droite, nous nous aventurâmes à travers la région de granit et de neige qui sépare ces deux