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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/356

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arcade et trois piliers étaient seuls debout. Je frappai tour à tour aux portes des deux ranchos ; personne ne m’ayant répondu, j’essayai d’ouvrir l’une d’elles, mais en rencontrant sous ma main un cadenas énorme, orné d’une tringle de fer de la grosseur du doigt, je n’insistai plus. Mon parti fut bientôt pris. J’ôtai à mon cheval sa bride, je le débarrassai de ses harnais et transportai le tout sous l’arcade du comedor où l’idée m’était venue de passer la nuit. Je comptais que le fidèle animal viendrait m’y tenir compagnie ; mais, à peine se vit-il libre, qu’il gagna le bord de la berge où nous nous étions arrêtés ; là, il parut hésiter un moment, puis je le vis descendre dans le torrent, le franchir en une seconde, et disparaître sur l’autre rive. Sa docilité m’était assez connue, pour que je n’eusse aucune inquiétude sur les suites de cette disparition. Je pensai qu’il avait eu quelque fantaisie qui me serait expliquée le lendemain, et je ne m’en occupai plus.

Après avoir disposé de mon mieux les harnais de la bête, pour m’en faire un oreiller, je m’y étendis et j’essayai de m’endormir. Peut-être eussé-je réussi, si dans la soirée, une petite brise, froide comme un glaçon et déliée comme une pointe d’aiguille, ne se fût mise à souffler de la Cordillère. Force me fut de me lever, et pour conjurer l’onglée que je sentais déjà venir, je fis faire à mes bras l’apprentissage du moulinet, pendant que j’employais