Aller au contenu

Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je remerciai la femme et j’allais continuer ma route, quand l’idée me vint de lui demander le nom du ruisseau près duquel j’avais passé une si terrible nuit ; c’était un souvenir que je désirais graver dans ma mémoire.

La figure de l’Indienne, jusque-là souriante, prit subitement un air refrogné, et poussant devant elle ses lamas qui s’étaient arrêtés :

Manacho tian unu chotiuca (l’eau n’a pas de nom), me dit-elle d’un ton sec en reprenant sa marche.

Je continuai la mienne, assez contrarié que cette petite sotte eût pris pour une mauvaise plaisanterie de ma part, ce qui n’était qu’un mouvement de curiosité bien légitime, et quand j’eus atteint le buisson qu’elle m’avait désigné, j’aperçus effectivement à ma gauche, comme une bande de gazon jauni qui serpentait à travers la plaine, le maudit chemin que je cherchais depuis la veille : je m’empressai de le suivre et il me conduisit en peu de temps, à l’extrémité du plateau d’Anta, d’où je pus voir, selon le programme de mes chanoines, la ville d’Urubamba et la rivière Vilcanota à quelques mille pieds au-dessous de moi ; mais ce que, par indifférence ou par oubli, mes amis avaient négligé de me dépeindre, c’est l’admirable paysage que, de ce point élevé, j’embrassais à fa fois dans son ensemble et dans ses moindres détails.