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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/366

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— C’est une vieille et fidèle amie, » me répondit-il gravement.

Je regardai l’arme en question, qui était ornée de viroles de cuivre et garnie de fer jusque sous la culasse ; je reconnus un de ces longs fusils dont les vice-rois armaient les soldats de leur escorte. Comme, à tout prendre, l’inconnu pouvait être un débris de ce corps d’élite, la possession de cette arme se trouvait suffisamment justifiée. Maintenant, restait à savoir s’il la dirigeait seulement contre les oiseaux, ou si, emporté par la force de l’habitude, il la tournait parfois encore contre les hommes. Son extérieur, il est vrai, ne pouvait me fixer sur ce point : un sombrero en paille de latanier, passé à l’état de loque, couvrait sa tête et jetait une ombre sur son visage, dont on n’apercevait que les yeux et le nez, le reste étant enfoui sous une barbe ou plutôt une broussaille épaisse, dont la teinte, autrefois d’un noir d’encre, commençait à passer au gris. Un poncho en bayeta grossière l’enveloppait à larges plis, ne laissant voir de son costume que les usutas ou sandales en cuir de bœuf qui protégeaient ses pieds.

Comme il me paraissait médiocrement disposé à lier conversation, j’eus recours à un moyen infaillible pour le faire parler : je tirai de ma poche un étui de puros de Guayaquil, l’ouvris et le lui présentai. Il me regarda dans le blanc des yeux, comme