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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/369

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mon pays, lorsqu’une femme met le pied sur son seuil ou le nez à sa fenêtre pour appeler de la voix et du geste un inconnu qui passe dans la rue, cette femme, fût-elle plus pure à elle seule que les onze mille vierges de Cologne ensemble, acquiert sur-le-champ un assez mauvais renom. Il est vrai que chaque pays à ses usages. »

En m’écoutant, l’Espagnol avait donné quelques signes d’impatience qui prouvaient clairement que la morale n’était pas de son goût. Quand j’eus fini, il jeta son cigare à demi consumé, me demanda d’un ton bref si j’étais toujours dans l’intention de déjeuner, et comme je lui répondis, sur le même ton, que je déjeunerais deux fois plutôt qu’une, il mit son fusil sur l’épaule et me pria de le suivre. Nous retournâmes dans la calle Mayor, où le bruit de nos pas attira de nouveau la population féminine aux fenêtres ; mais comme cette fois au lieu d’être seul, j’étais accompagné d’une connaissance de ces dames, les interpellations isolées qui m’avaient accueilli se changèrent en un chœur formidable où dominait le diapason suraigu de quelques voix. « Ici, Pedro Diaz ! » glapissait une vieille en essayant d’attirer l’attention de mon guide ; « chez nous, señor Diaz ! » reprenait une fillette en envoyant du bout des doigts un baiser à l’Espagnol ; « donnez-moi la préférence, mes bons seigneurs ! » ajoutait une femme entre deux âges, en joignant à sa prière toutes les ressources de