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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/378

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Depuis un moment nous cheminions à travers ce paysage aride, et je commençais à m’étonner de ne point voir encore la demeure de Pedro Diaz, quand il me la montra, adossée à une paroi de granit, au pied de laquelle elle semblait avoir poussé comme un champignon. Sous le double rapport de la tristesse et de l’isolement, on ne pouvait souhaiter rien de mieux que cette bicoque, défendue du côté du chemin par un plan de rochers qui la cachaient aux regards des passants, et bornée, du côté de la montagne, par deux blocs énormes, entre lesquels on voyait miroiter au soleil la nappe liquide du torrent, singulièrement amincie, car on était alors en pleine sécheresse, et depuis un mois la neige ne tombait plus sur les hauteurs.

J’étais descendu de cheval, et je m’apprêtais à franchir, sur les pas de mon guide, la haie de cactus qui entourait son domaine, quand un battement d’ailes se fit entendre au-dessus de nous. Je levai la tête, et vis un gallinaso, ou dinde-buse, qui venait de s’abattre à l’extrémité d’un rocher. Le fait était trop vulgaire, et surtout le gibier trop méprisable pour que j’y prisse garde, et j’allais passer outre, lorsque l’Espagnol, s’arrêtant court, me montra d’une main la porte de sa maison, de l’autre le hideux vautour qui fixait sur nous ses yeux glauques.

« Entrez seul, me dit-il à voix basse, le temps d’abattre ce pigeon et je vous rejoins. »