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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/385

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temps dans l’embarras. Je me fis d’abord valet d’écurie, puis aide-jardinier, puis despensario (économe) dans un hôtel en renom de la Puerta del Sol. De ce dernier poste, j’entrai au service d’un noble seigneur que S. M. le roi Ferdinand envoyait au Pérou chargé d’une mission secrète pour le vice-roi Pezuela. Je suivis mon maître à Lima, où le vice-roi ne l’eut pas plutôt connu, qu’il désira l’attacher à sa personne. Il lui offrit donc de le nommer colonel, aide de camp, intendant, surintendant, que sais-je enfin, tout ce qu’on peut offrir, lorsqu’on est vice-roi et qu’on tient à se passer sa fantaisie ; mais mon maître avait à cœur de revoir son pays, et si certain soir, en descendant la rue de los Peligros, il n’eût fait la rencontre d’une tapada qui brouilla les cartes et lui fit perdre la partie, Pezuela, tout vice-roi qu’il était, en eût été pour son temps et ses offres. Au bout de huit jours, mon pauvre maître était devenu fou de sa nouvelle connaissance, et comme celle-ci n’était pas sorcière à demi, elle le retourna si bien qu’il finit par l’épouser. Alors, n’ayant plus de raisons pour refuser les offres de Pezuela, il devint son aide de camp et le suivit dans toutes ses campagnes. À partir de ce jour, ma position, jusque-là si douce, devint un métier de galérien. Avec mon service près du colonel, j’eus encore à jouer du sabre et du fusil, ni plus ni moins que le dernier canari de l’armée, quand San Martin et ses indépendants nous tom-