Aller au contenu

Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çons pour moi, laissant à Dieu le soin de découvrir le crime et d’infliger le châtiment.

« Une fois le colonel mort, je n’avais que faire dans sa maison. Je comprenais d’ailleurs au ton aigre-doux de la dame, que mon congé ne tarderait pas à m’être signifié, et je ne voulus pas l’attendre. Un beau matin j’allai lui faire mes adieux, puis quand j’eus embrassé la fille de mon maître et que je l’eus recommandée à Dieu, je sortis de Lima pour n’y plus rentrer. Ma carabine, mon bâton et un paquet de hardes composaient tout mon bagage. Quant à ma bourse, elle renfermait douze piastres. Ces faibles ressources furent bientôt épuisées. En arrivant à Cuzco, il ne me restait plus que trois réaux. Un autre à ma place eût perdu la tête. Je ne m’en inquiétai même pas. Je considérai mon passé, et en me rappelant la sierra Morena et les coups de lazo du muletier, je trouvai le présent assez supportable pour ne pas désespérer de l’avenir.

« Pendant deux ans que j’habitai Cuzco, je gagnai ma vie à faire des fagots de charamusca[1], que je vendais aux ménagères de San Blas. Grâce à cette industrie, je me vis, au bout de ce temps, à la tête d’une soixantaine de piastres que je voulus risquer dans une entreprise dont l’idée m’était venue en assistant aux fêtes du Corpus. Muni d’une pacotille

  1. On désigne sous ce nom toutes les menues broussailles qui croissent sur les hauteurs.