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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/392

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Je regardais mon homme bouche béante, ne sachant qu’admirer le plus, de sa combinaison industrielle ou de la simplicité des moyens qu’il mettait en œuvre.

« Le régime auquel j’ai soumis mes élèves, continua-t-il, flatté de l’attention que je prêtais à ses paroles, est le résultat d’un secret que je tiens des sauvages et que je n’hésite pas à vous confier, sachant bien qu’un hidalgo comme vous ne s’en servira pas pour faire concurrence à un pauvre homme. L’usage de la viande crue décompose petit à petit la couleur du plumage des perroquets, qu’elle soit verte, rouge ou bleue, et la change avec le temps en un beau jaune d’or. Vous comprenez quelle admirable série de nuances on obtient avant d’arriver à cette couleur. Si mes costumes n’étaient pas loués en ce moment aux péons de Silcay, pour la fête de San Saturnino, patron de leur hacienda, je vous donnerais sur-le-champ la preuve de ce que j’avance, mais vous pouvez en croire sur parole un homme qui n’a jamais menti. Pour en revenir à mes perroquets, je vous dirai qu’ils ne sont pas devenus naturellement carnivores et qu’il m’a fallu, au contraire, plus d’un jour et plus d’une correction paternelle pour les déshabituer des grains et des fruits, et les obliger de mordre à la viande. Tous semblaient avoir le mal de mer, quand ils en eurent goûté pour la première fois, mais l’estomac des bêtes est comme le